Argumentaire

Alors que la question de l’autonomie énergétique monte en puissance dans les discours, les stratégies et les projets à différentes échelles territoriales, depuis le micro‐local (bâtiment, îlot) jusqu’à la région, elle ne constitue pas encore un objet de recherche bien défini et partagé par une communauté académique structurée. Ainsi, un certain nombre de travaux académiques traitent aujourd’hui cette question émergente de manière plus ou moins explicite, en l’abordant à partir des modèles techniques (Lopez, 2014), des trajectoires historiques (Moss et Francesch-Huidobro, 2016), des reconfigurations sociotechniques (Coutard et Rutherford 2015, Debizet 2016) ou encore des collectifs locaux face aux cadres régulatoires dominants (Cointe 2015, Nadai et al. 2015). Cependant, il s’agit encore de travaux isolés, sans assise commune ni enrichissement mutuel spécifiques à la notion d’autonomie.

Le manque de dialogue limite donc notre capacité collective à saisir conceptuellement ce qu’est l’autonomie énergétique, à mettre en évidence la variété des formes qu’elle peut prendre, à analyser les processus qui la construisent, et à réfléchir à ses implications dans la fabrique des territoires. C’est pourquoi a été organisé un cycle de séminaires qui cherche à approcher la problématique de l’autonomie énergétique à partir des questions suivantes :

  • Sur quels arguments matériels, technico‐économiques, politiques et même philosophiques s’appuient les discours promouvant l’autonomie énergétique ?
  • De quelle autonomie parle‐t‐on : autonomie de conception, de mesure, de décision ? par rapport à des acteurs, à des flux, à des ressources ? Comment l’évalue‐t‐on (ou pas) ?
  • Quels sont les acteurs concernés par l’autonomie énergétique ? Lesquels la promeuvent, la permettent, la mettent en oeuvre ? Comment l’autonomie fait‐elle évoluer les logiques d’action et les modes de fonctionnement des acteurs, voire l’émergence de nouveaux acteurs ?
  • Comment fabrique‐t‐on l’autonomie énergétique ? Comment traite‐t‐on de cette question dans différents processus de projet (de territoire, d’aménagement, d’infrastructure) ? Comment s’intègre‐t‐elle dans des trajectoires historiques ?
  • Comment l’autonomie s’articule‐t‐elle avec les différents modèles de réseau ? Quels sont ses rapports aux réseaux historiques et à leurs modes de fonctionnement traditionnels ? Quelles nouvelles formes sociotechniques apparaissent pour la mettre en oeuvre ?

Une première demi-journée (L'autonomie énergétique en projet hier, aujourd'hui, demain – 23 juin 2015) a permis de lancer les réflexions à partir d’illustrations de mises en oeuvre de certaines visions de l’autonomie énergétique, issues de projets passés, récents ou prospectifs. Un deuxième séminaire de 3 demi-journées (Les territoires de l’autonomie énergétique – 17 et 18 février 2016) a traité des modèles de développement urbain et infrastructurel s’articulant avec l’idée d’autonomie, en proposant notamment différentes illustrations de projets territoriaux. Il a par ailleurs cherché à élargir la focale en interrogeant la notion d’autonomie au prisme de différentes approches disciplinaires (écologie territoriale, génie urbain, socio-anthropologie, architecture).

Les prochaines journées d’études (La fabrique de l’autonomie énergétique – 13 et 14 juin 2016) cherchent à investiguer, au-delà des modèles, les processus de fabrication de l’autonomie énergétique appréhendée dans ses différentes dimensions. Les contributions traiteront ainsi des questions suivantes :

  • Comment les solutions « techniques » de l’autonomie énergétique sont-elles conçues et mises en oeuvre par les acteurs de l’aménagement du territoire ?
  • Comment dialoguent-elles avec les cadres régulatoires, économiques et institutionnels existants ? Comment ces derniers sont-ils amenés à évoluer ?
  • Comment composent-elles avec les interdépendances préexistant au sein des systèmes énergétiques territoriaux ?
  • Enfin, comment la fabrication de l’autonomie s’inscrit-elle dans les trajectoires historiques des territoires vis-à-vis de l’énergie ?

Chacune des interventions s’inscrira dans une ou plusieurs de ces questions, et s’attachera par ailleurs à bien expliciter la façon dont elle envisage l’autonomie énergétique (autonomie politique et décisionnelle, indépendance vis-à-vis des réseaux, autosuffisance, autoproduction, autoconsommation,…).

Références

Cointe B., 2015. « Le soleil et l’Etat comme garants : les Fermes de Figeac et la mutualisation des actifs solaires ». Sciences Sociales et Transitions Energétiques, Grenoble, 28-29 mai 2015.

Coutard O., Rutherford J. (dir.), 2015. Beyond the Networked City. Infrastructure reconfigurations and urban change in the North and South. London, Routledge.

Debizet G. (dir.), 2016. Scénarios de transition énergétique en ville. Acteurs, régulations, technologies. Paris, La documentation française.

Lopez F., 2014. Le rêve d’une déconnexion. De la maison autonome à la cité auto-énergétique. Paris, Editions de la Villette.

Moss T., Francesch-Huidobro M., 2016. « Realigning the electric city. Legacies of energy autarky in Berlin and Hong Kong ». Energy Research & Social Science vol. 11, p. 225‑236.

Nadaï A., Labussière O., Debourdeau A., Régnier Y., Cointe B., Dobigny L., 2015. « French policy localism: Surfing on ‘Positive Energie Territories’ (Tepos) ». Energy Policy vol. 78, p. 281‑291.

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